« … C’est important pour moi de sentir la caresse de la terre sur les mains. C’est rassurant. Cela apporte une espèce de stabilité. Quand la boule est enfin au milieu après avoir été ballottée de droite à gauche, c’est une certaine façon de retrouver une forme d’équilibre. Cela équivaut à un déterminisme. Être au milieu du cercle. Après, on peut s’en aller, briser le cercle, rêver, mais il faut d’abord avoir été au centre ». Michel Lanos.

Michel Lanos (1926-2005)

Michel Lanos est né à Paris en 1926, dans une famille de petits commerçants qui pâtit de la crise de 1929. Son père décède lorsqu’il a 17 ans. Livré à lui-même, il vit de petits travaux et s’engage dans le 5ème régiment d’infanterie, puis quitte l’armée. Sa vie professionnelle commence lorsqu’il se lit par son mariage à une famille de potiers de Biot dans les Alpes-Maritimes. Il intègre l’entreprise familiale en 1950, apprenant ainsi son métier. Il y reste dix ans comme tourneur à la corde de pots de moutarde ou de vinaigriers1. Biot n’est encore qu’un village, mais attire déjà les artistes comme les nordiques du groupe Cobra, Fernand Léger et Roland Brice.

En 1960, il travaille en Bretagne aux éditions des céramiques de Jean Cocteau, dans l’atelier de Madeleine Jolly où il y restera deux ans. De retour à Paris, il intègre les ateliers de Marcel Guillot à Saint-Maur-des-Fossés et fournit en pots à épices la boutique à la mode de Mado Jolain.

En 1970, il établit son propre atelier à Bondy en Seine-Saint-Denis. Il produit d’abord, en faïence glaçurée au plomb, toute une gamme de pièces utilitaires, bocaux, saladiers, bouteilles, pichets, déclinés en plusieurs tailles, ainsi que des cloches à fromage, des sucriers, des beurriers… En dépit des revenus tirés de cette fabrication, Michel Lanos cherche sa propre voie. Il s’intéresse au grès et achète un four électrique qui monte à haute température. Il utilise ses connaissances empiriques en « bricolant ses émaux » et suit également les conseils de Jacky Coville, alors en région parisienne.

En 1976, il s’installe à Fontenay-sous-Bois, villa des Quatre-Ruelle et y façonne toutes sortes de pots, en utilisant essentiellement trois couleurs de base, le noir, le bleu de fer et le rouge de cuivre, qu’il superpose. En complément des pièces utilitaires, l’artiste créée une œuvre plus personnelle et sculpturale en libérant les formes, en s’affranchissant de la symétrie, en peignant et émaillant. Deux styles voient le jour : les sculpture « Cobra » très colorées et les sculptures « bleues », aux formes déchirées.

Il rejoint ces potiers « libres » que sont Michel Gardelle, Brigitte Pénicaud, Claude Varlan et Jacky Coville. C’est avec eux qu’il part au Mali pour y construire des fours. Pendant quelques années, il est embauché comme ergothérapeute à la prison de la Santé, puis à l’Hôpital Sainte-Anne. Son ami Michel Gardelle dira de lui : « Avec sa tête de bagnard aux traits rudes (…), il se promenait fringuant, vadrouilleur impénitent, il fouinait par-ci par-là à la recherche de je-ne-sais-quoi… d’une idée, d’une image empreinte de nostalgie, témoin de quelque moment heureux… ».

Michel Lanos s’est éteint à Fontenay-sous-Bois, le 1er février 2005.

D’après un article de Carole Andréani pour le Journal de la Céramique et du Verre.

Michel Lanos dans son atelier à Fontenay-sous-Bois en 1982.

Un vase rouleau, un pot couvert et un pichet en grès à émail stannifère polychrome de Michel Lanos. Ces trois pièces, datant de 1995, ont été acquises, avec quatre autres, en 1996, par le musée national de Céramique de Sèvres.

Sculpture Cobra en grès émaillé de Michel Lanos. Cette sculpture a été offerte par les enfants de l’artiste en 2007 à la ville de Fontenay-sous-bois.

Sculpture bleue en grès émaillée de Michel Lanos. Cette œuvre a été achetée par la ville de Fontenay-sous-Bois à l’artiste en 2004. 

Notes

  1. Ce procédé se caractérise par un tour à pied surmonté d’un grand axe au sommet duquel on enfile un rondeau. Sur ce rondeau, on applique des liteaux de bois qui jouent le rôle de matrice et esquissent la forme de la pièce. A partir du haut, on entoure ces bâtons d’une grosse corde marine qui détermine la pièce en corde sur laquelle on applique la terre. On utilise alors un gabarit, profil découpé sur bois de la forme de la pièce que l’on veut obtenir. On le promène sur la surface grossièrement façonnée et on égalise la face extérieure de l’objet. Quand la pièce est terminée, on la descend du tour. Deux ou trois jours plus tard, on retire les bâtons, puis, peu à peu, un à un, chaque jour, au fur et à mesure du séchage, la suite des rangs de corde. On termine l’intérieur avec un morceau de feuillard en guise de racloir. Procédé mis au point par J.-A. Laribé, voir Lesur et Tardy, Poteries et faïences françaises.

Références

  • Laure Chabanne, Michel Lanos, Editions Terre Libertaire
  • Antoinette Faÿ-HalléCinquante ans de céramique française (1955-2005). Une collection nationale, Paris, RMN, 2005, p. 161-187.
  • Revue de la Céramique et du Verre, n° 22 mai-juin 1985
  • Revue de la Céramique et du Verre, n° 122 janvier-février 2002
  • Revue de la Céramique et du Verre, n° 194 janvier-février 2014
  • Site internet des Archives de Fontenay-sous-Bois
  • Site internet des Céramiques contemporaines du musée national de Céramique de Sèvres

Illustrations

Vase en ovoïde sur talon en grès de Michel Lanos

Photographie Le Grand Chalet

Michel Lanos (1926-2005)

Michel Lanos dans son atelier de Fontenay-sous-Bois en 1982. Photographie Jean Paul Chaussé, Revue de la Céramique et du Verre, n°194 janvier-février 2014

Vase rouleau, pot couvert et pichet à émail stannifère polychrome de Michel Lanos. Photographie Beck-Copolla, musée national de Céramique de Sèvres

Sculpture Cobra en grès émaillé de Michel Lanos. Photographie Ville de Fontenay-sous-Bois

Sculpture bleue en grès émaillé de Michel Lanos. Photographie Ville de Fontenay-sous-Bois